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Autour du rock : chroniques, histoire des pochettes et des chansons

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

8 juin 1981 – Season of Glass – Yoko Ono.

8 juin 1981 – Season of Glass – Yoko Ono.

Sorti en 1981, Season of Glass est le premier album de Yoko Ono paru depuis la mort de John Lennon. Yoko y chante, entre autres, les sentiments qu’elle ressent depuis la disparition de John : la perte et le choc, la colère et la souffrance, le deuil et la résilience.

 

Pour la pochette, elle pense utiliser une photo des lunettes cassées et ensanglantées que John portait le soir de son assassinat. Bien que cette idée la révulse, elle l’attire aussi, tant et si bien qu’elle n’en démord pas. Et c’est elle qui réalisera cette photo. Peu technicienne, elle appelle pour régler les éclairages, Bob Gruen, un ami photographe qui suit le couple depuis des années.

À l’ouverture de la petite boîte où est déposée la relique, Bob et Yoko tombent en pleurs. Yoko prend la paire de lunettes, ouvre la fenêtre de la chambre qui donne sur Central Park et dispose les lunettes sur un guéridon. Bob règle les projecteurs.

Yoko ajoute un verre d’eau. Elle ne dit pas pourquoi. Certains le verront à moitié plein, d’autres à moitié vide. À travers les verres souillés de sang ou déformés par l’eau, Central Park prend des allures abstraites. Dans les lunettes de John, les immeubles se recroquevillent alors qu’à travers le verre d’eau, ils s’étirent et semblent atteindre le ciel.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

Bob fait la mise au point et tend l’appareil à Yoko. Assise au bord du lit, Yoko prend la photo, l’image d’une douleur insupportable, d’un rêve brisé dont elle gardait et gardera toujours l’objet de la représentation mais qu’elle veut faire partager à tous. The Dream is Over

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

Immédiatement la pochette fait polémique et la veuve la plus détestée du monde est accusée d’exploiter avec peu de scrupules la mort de John. Elle rétorque qu’elle a sciemment choisi cette photo pour rappeler au Monde que la mort de son mari n’est pas naturelle ou accidentelle mais qu’il a bel et bien été assassiné, soulignant au passage que le meurtre est bien plus insupportable que la vue d’une paire de lunettes ensanglantées. Elle a bien conscience de la brutalité de cette image mais contrairement aux fans qui ont appris la mort du chanteur en allumant la radio, elle, l’a vécue dans la cruauté et la violence de sa réalité.

De gauche à droite – Le Dakota Building : John et Yoko y occupe le dernier étage à l'angle. John sera assassiné près du porche à gauche. – John à la fenêtre de sa chambre qui donne sur Central Park. – John et Yoko au bas du Dakota Building. On aperçoit en haut à gauche la fenêtre de la chambre.
De gauche à droite – Le Dakota Building : John et Yoko y occupe le dernier étage à l'angle. John sera assassiné près du porche à gauche. – John à la fenêtre de sa chambre qui donne sur Central Park. – John et Yoko au bas du Dakota Building. On aperçoit en haut à gauche la fenêtre de la chambre.De gauche à droite – Le Dakota Building : John et Yoko y occupe le dernier étage à l'angle. John sera assassiné près du porche à gauche. – John à la fenêtre de sa chambre qui donne sur Central Park. – John et Yoko au bas du Dakota Building. On aperçoit en haut à gauche la fenêtre de la chambre.

De gauche à droite – Le Dakota Building : John et Yoko y occupe le dernier étage à l'angle. John sera assassiné près du porche à gauche. – John à la fenêtre de sa chambre qui donne sur Central Park. – John et Yoko au bas du Dakota Building. On aperçoit en haut à gauche la fenêtre de la chambre.

Les lunettes révèlent toute la fragilité de l’être à travers son handicap. Cassées, elles témoignent d’un acte violent et souvent lâche ; on ne s’attaque pas à quelqu’un de plus faible que soit, quelqu’un qui n’est plus en possession de tous ses moyens quand il n’a plus ses lunettes. À leur vue, nous ne pouvons que compatir, être touchés et condamner cet acte inhumain dont elles témoignent. C’est le cas par exemple des lunettes de Salvator Allende coupées par une balle, une autre relique célèbre qui ne fut révélée au public qu’en 1996 et qui prouve, si l’on en doutait, l’assassinat de l’ancien président Chilien.

Reste des lunettes cassées et ensanglantées de Salvator Allende présentées au Musée d’histoire de Santiago. À droite, une femme de ménage nettoie la sculpture de l’artiste chilien Carlos Altamirano qui reproduit de manière surdimensionnée la véritable relique.Reste des lunettes cassées et ensanglantées de Salvator Allende présentées au Musée d’histoire de Santiago. À droite, une femme de ménage nettoie la sculpture de l’artiste chilien Carlos Altamirano qui reproduit de manière surdimensionnée la véritable relique.
Reste des lunettes cassées et ensanglantées de Salvator Allende présentées au Musée d’histoire de Santiago. À droite, une femme de ménage nettoie la sculpture de l’artiste chilien Carlos Altamirano qui reproduit de manière surdimensionnée la véritable relique.

Reste des lunettes cassées et ensanglantées de Salvator Allende présentées au Musée d’histoire de Santiago. À droite, une femme de ménage nettoie la sculpture de l’artiste chilien Carlos Altamirano qui reproduit de manière surdimensionnée la véritable relique.

Contrairement à un Woody Allen, John Lennon possédait plusieurs paires de lunettes. Les montures rondes sont même devenues le symbole et l’icône de toute la génération Peace and Love. Aujourd’hui encore, ce modèle est réédité et porte parfois le nom de celui qui l’a rendu célèbre. Les gens qui portent des lunettes savent que ce n’est pas un objet que l’on jette facilement lorsque l’on en change. Concernant John, il lui arrivait même d’en offrir. Plusieurs de ces paires inutilisables puisqu’à sa vue se sont retrouvées depuis sur le marché et beaucoup n’ont pas hésité à enchérir.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

Dès 1980, le musée des Beatles de Liverpool acquiert une paire sous prétexte qu’« il est difficile d’être plus proche du vrai John Lennon qu’en regardant la vie à travers les lunettes qu’il a portées quand il a créé des morceaux inoubliables ». En 2003, une paire est mise en vente à 10 000 livres sterling. Cassée et sans doute trop chère, elle n’intéresse personne et est ravalée.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

L’appartenance d’un objet à quelqu’un n’est donc pas suffisante pour attiser les passions. Il faut en plus que cet objet raconte une histoire. Les maisons de vente l’ont bien compris. Désormais toute paire mise en vente sera accompagnée d’un texte. C’est le cas de solaires ayant appartenu à Charlie Lennon, l’oncle de John.

Dans les années soixante, John en visite chez son oncle s’énerve lors d’une conversation téléphonique et de rage casse ses lunettes. Charlie les récupère dans la corbeille, les répare et les range dans un tiroir. Peu avant sa mort, il les cède à Larry Warren, un collectionneur américain qui prend soin de lui faire rédiger une lettre manuscrite qui relate la précieuse anecdote et, de fait, authentifie la provenance de la précieuse relique. Résultat : 4 000 euros.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

Autre paire, autre histoire. Cette fois-ci la monture est en parfait état mais il manque les verres. Estimation : 1,5 million d’euros. là encore, le millésime et l’histoire font la différence. Une note manuscrite du vendeur, Junishi Yore, accompagne la vente.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?

Nous sommes en 1966 et les Beatles sont en tournée au Japon, une tournée sous haute surveillance. Durant ce voyage, le groupe a reçu des menaces de mort de la part de groupes religieux qui veulent les empêcher de se produire au Nippon Budokan de Tokyo, un lieu réservé aux compétitions d’arts martiaux. Cloîtré dans son hôtel, John sympathise avec son traducteur, Junishi Yore. Au moment de se séparer, les deux hommes s’échangent de petits cadeaux. Junishi offre au Beatle des tasses en cuivre, John offre à Junishi une de ses paires de lunettes. À la mort du chanteur, Junishi est très peiné et selon la tradition nippone qui veut qu’un mort ait besoin de ses verres pour voir dans l’au-delà, il retire les verres de la monture.

 

Il est peu probable que Yoko Ono mette un jour en vente les lunettes ensanglantées de son mari. Néanmoins, elle a tiré 6 épreuves de sa photo et les a proposées à la vente au profit du Artist Residencies of Tokyo, un organisme qui vient en aide aux jeunes artistes nippons.

 

Récemment, pour ce qui aurait pu être leur 44e anniversaire de mariage, Yoko Ono plus militante que jamais a twité à nouveau cette photo pour protester contre le ravage des armes à feu aux États-Unis. Elle l’a accompagnée du texte suivant : « Plus de 1 057 000 personnes ont été tuées aux États-Unis par arme à feu depuis que John Lennon a été abattu, le 8 décembre 1980 » montrant ainsi s’il en était encore besoin qu’au-delà de la mort de John Lennon, ces lunettes symbolisent une certaine « vision » du Monde qu’on assassine.

Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?
Peut-on imaginer ces lunettes sans John ?
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