Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
bacadisc.over-blog.com

Autour du rock : chroniques, histoire des pochettes et des chansons

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

24 février 1975 – Physical Graffiti – Led zeppelin.

24 février 1975 – Physical Graffiti – Led zeppelin.

On doit la pochette de Physical Graffiti à Mike Doud et Peter Corriston. Directeur artistique d’A&M Record, Mike Doud, dirige à l’époque le bureau londonien de la société de design américaine AGI. C’est lui qui sera à l’origine d’une autre pochette emblématique de la fin de la décennie, celle de Breakfast In America de Supertramp. Quand au graphiste américain Peter Corriston, il est plutôt associé aux Stones puisqu’il réalisera pour eux 4 pochettes : Some Girls pour laquelle il reprendra l’idée des découpes de Physical Graffiti, Emotional Rescue, Tattoo You avec laquelle il remportera un Grammy Award dans la catégorie de la meilleure pochette d’album et Undercover. Mais on lui doit aussi d’autres pochettes iconiques comme celle de Rain Dogs pour Tom Waits.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

À la recherche de l’immeuble

Pour Physical Graffiti, l’idée de départ est simple. Un groupe de rock, en l’occurrence Led Zeppelin, habite un immeuble, lui-même occupé par d’autres résidents qui emménagent ou déménagent. L’effet de va-et-vient des occupants est rendu possible grâce à une utilisation astucieuse des fenêtres du bâtiment. Ces dernières sont découpées et laissent apparaître des images imprimées sur la sous-pochette du disque. Comme il s’agit d’un double album, il y a deux sous-pochettes soit 4 combinaisons possibles, 2 pour le recto et 2 pour le verso, selon la manière dont on insère les disques à l’intérieur.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Mais avant d’en arriver là, Peter Corriston doit trouver l’immeuble parfait qui doit s’adapter au format carré de la pochette, être si possible symétrique et surtout ne rien avoir devant lui qui puisse obstruer les fenêtres comme un arbre ou un poteau. Bref, la mission s’annonce impossible et ce n’est qu’après plusieurs semaines à arpenter les rues new-yorkaises qu’il s’arrête sur St Mark’s Place dans Greenwich Village.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Les 96 et 98 sont occupés par deux immeubles mitoyens et jumeaux. Assez fréquents à New York, ces deux Brownstones (du nom du grés rouge utilisé pour leur construction) datent de la fin du XIXe siècle. Ils se caractérisent par leur porte d’entrée au premier étage et leur accès par un escalier afin de ne pas apporter la boue de la rue sous ses chaussures.

 

Bien qu’ils correspondent à tous les critères du concept, les bâtiments ne rentrent pas dans le format carré de la pochette. Il faudra encore supprimer un étage, retoucher à droite et à gauche et rajouter quelques briques pour qu’ils s’y insèrent parfaitement.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Plus connu pour ses photos de chiens des rues, c’est Elliot Erwitt qui prend le cliché. Maurice Tate, l’un des meilleurs retoucheurs anglais à l’époque, sera chargé de lui donner sa teinte sépia et Dave Heffernan d’illustrer les fenêtres.

 

 

Les occupants

 

À y regarder de près, les occupants de l’immeuble sont assez hétéroclites.

 

On trouve bien entendu des photos des membres du groupe mais déguisés en drag-queen. Ces photos ont été prises en 1973 par Roy Harper au Hyatt Hotel de Los Angeles rebaptisé après le mémorable passage du groupe Riot House. Selon la légende, ces clichés auraient été pris lors d’une soirée bien arrosée où Robert Plant et Richard Cole, son road Manager, se seraient amusés avec la garde-robe d’une groupie. Selon une autre légende (qui n’est pas incompatible), le groupe voulait faire une blague à George Harrison qui devait les rejoindre pour dîner. Malheureusement, ce dernier arriva avec Stevie Wonder qui ne voyant pas ce qu’il se passait cru qu’on se moquait de lui. Ambiance. À une autre fenêtre, on trouve une photo de John Bonham qui porte des collants lors d’un concert de Roy Harper au cours du Valentines Day en 1974.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Aux autres fenêtres, de jour, on trouve entre autres une nonne sous un parapluie, un jeune Noir qui suce une glace géante, le pape Léon XIII, Elizabeth Taylor en Cléopâtre, des mains qui palpent un entrejambe, un zeppelin, une femme de la belle époque assise sur un alligator, Buzz Aldrin (et le reflet de Neil Armstrong dans sa visière), une pub pour le savon Pears, le body builder Charles Atlas…

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Charles Atlas (1892-1972) aurait pu se retrouver sur Sergent Peppers tant ce culturiste est un véritable personnage de la culture populaire. Avec sa méthode de Bodybuilder capable de vous transformer un homme en bête (le Dr Frank-N-Furter s’en souvient la même année dans Rocky Horor Picture Show), l’auteur du programme Dynamic Tension apparaît déjà dans et sur The Who Sell Out (1967) sous la forme d’un jingle avant « I Can’t reach you » et sur la pochette sous les traits de John Entwistle qui aurait bien besoin d’un peu de gonflette.

1967 – The Who Sell Out – The Who

1967 – The Who Sell Out – The Who

Ne serait-ce que dans le rock, on ne compte plus les chanteurs et les groupes qui y font référence. Bob Dylan dans « She is Your Lover Now » (1965) se demande s’il est triste parce qu’il ressemble à Charles Atlas (avant transformation), The Bonzo Dog Band dans « M. Apollo » (1969) y fait allusion de manière parodique, Faces dans « On the Beach » (1971) cite son nom, 10cc dans « Sand in My Face » (1973) reprend ses pubs légendaires, Queen dans « We Are The Champions » (1977) y fait également allusion tout comme Roger Waters dans « Sunset Strip » (1987). Quant à A.F.I., dans « Charles Atlas » (1996), il propose une version très punk du bodybuilding.

De nuit, on trouve King Kong (dans la version de 1933), un homme qui se jette de la fenêtre d’un immeuble, une explosion, un homme nu assis au bord d’une piscine qui pourrait être Joe Dallesandro, une scène issue de Flash Gordon mais aussi Buster Crabbe (l’acteur qui incarne Flash Gordon), Lee Harvey Oswald (le meurtrier présumé de Kennedy), une gamine qui enlace un chien noir, une ménagère des années cinquante, un chat, une effeuilleuse, La dame à l’hermine de Léonard de Vinci, Le portrait de Proserpine

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Le portrait de Proserpine (1874) est une œuvre préraphaélite de l’artiste anglais Dante Gabriel Rossetti. Le style préraphaélite est à la mode en Angleterre depuis la fin des années soixante et que le mouvement hippie puis l’underground londonien s’en sont emparés. Proserpine, fille de Cérès, est représentée ici sous les traits d’une sublime jeune femme (Jane Morris, la femme de William et la maîtresse de Rossetti) dans le couloir sombre de son palais où elle a été enfermée par Pluton après avoir goûté à la grenade interdite.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Certains sont présents de jour comme de nuit, quelle que soit la sous-pochette, comme Elizabeth II lors de son couronnement le 2 juin 1953 dans l’Abbaye de Westminster que l’on retrouve 4 fois et toujours à la même fenêtre au rez-de-chaussée.

 

Qui est le gars sur la pochette ?

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

Dans cet immeuble rempli de personnalités disparates et changeantes, un pauvre quidam a retenu l’attention de tous les fans. Extérieur à la vie tumultueuse des appartements, il est le seul à demeurer en place quoi qu’il arrive. Même en zoomant, il est impossible de discerner son visage, ce qui a entraîné de nombreuses spéculations concernant son identité. Il semble porter la barbe et beaucoup ont reconnu en lui John Bonham. Plus probablement il s’agit d’un réel locataire de l’immeuble qui se trouvait là au moment de la prise de vue.

 

Il semble aussi porter un petit chien qui ne serait pas sans évoquer « Black Dog », l’une des chansons les plus emblématiques du groupe. Pour autant, le chien noir dont il est question dans le titre (mais pas dans la chanson) était en fait un labrador et non un petit chien.

Dans la version nocturne réalisée pour le verso de la pochette, l’immeuble est inversé comme dans un miroir. Les fenêtres du dernier étage présentent une découpe supplémentaire, les portes d’entrées laissent entrevoir l’intérieur du bâtiment. L’une est ouverte, l’autre vitrée. Une lumière extérieure semble avoir été rajoutée au-dessus de celle de gauche. Quant à l’homme au chien, il a disparu.

Dans la version nocturne réalisée pour le verso de la pochette, l’immeuble est inversé comme dans un miroir. Les fenêtres du dernier étage présentent une découpe supplémentaire, les portes d’entrées laissent entrevoir l’intérieur du bâtiment. L’une est ouverte, l’autre vitrée. Une lumière extérieure semble avoir été rajoutée au-dessus de celle de gauche. Quant à l’homme au chien, il a disparu.

Fausse pochette avec crédits

La pochette renferme un autre insert qui vient envelopper les deux disques. Dessus, y sont imprimés les titres des morceaux et les mentions légales. Y apparaissent également toutes les fenêtres de l’immeuble, rideaux baissés. C’est cet insert qui est mis en avant lors de la vente de l’album, une lettre rouge à chaque fenêtre restituant le titre de l’album. Une fois n’est pas coutume, une pochette de Led Zeppelin propose le nom du groupe (gravé dans la pierre de l’immeuble) mais aussi un titre. Selon Jimmy Page, ce dernier ne serait pas étranger au concept de la pochette : « J’ai pensé à Physical Graffiti comme titre à cause des illustrations sur la pochette et aussi parce que ça a une signification “physique” plus que verbale, rappelant ainsi l’énorme dépense d’énergie requise pour la réalisation d’un album. »

Un insert qui présente les titres de l’album permet d’occulter toutes les fenêtres et de faire apparaître le titre de l’album sur les rideaux fermés.Un insert qui présente les titres de l’album permet d’occulter toutes les fenêtres et de faire apparaître le titre de l’album sur les rideaux fermés.
Un insert qui présente les titres de l’album permet d’occulter toutes les fenêtres et de faire apparaître le titre de l’album sur les rideaux fermés.Un insert qui présente les titres de l’album permet d’occulter toutes les fenêtres et de faire apparaître le titre de l’album sur les rideaux fermés.

Un insert qui présente les titres de l’album permet d’occulter toutes les fenêtres et de faire apparaître le titre de l’album sur les rideaux fermés.

D’autres adresses

 

Physical Graffiti n’est pas le premier album à utiliser le concept des apparitions aux fenêtres d’un immeuble.

 

En 1970, pour la pochette de Sentimental Journey, son premier album solo, Ringo Starr choisit une photo de The Empress (L’Impératrice), un pub de Liverpool situé non loin de l’endroit où il est né. Aux fenêtres apparaissent des parents du chanteur qui semblent tout droit découpés dans la pochette de Sergent Pepper.

1970 – Sentimental Journey – Ringo Starr.  À gauche, The Empress est situé au 93 High Park street (juste au coin de Madryn St., la rue où Starr est né). À droite, la pochette de Sentimental Journey, un album de standards que la mère du chanteur appréciait particulièrement.1970 – Sentimental Journey – Ringo Starr.  À gauche, The Empress est situé au 93 High Park street (juste au coin de Madryn St., la rue où Starr est né). À droite, la pochette de Sentimental Journey, un album de standards que la mère du chanteur appréciait particulièrement.

1970 – Sentimental Journey – Ringo Starr. À gauche, The Empress est situé au 93 High Park street (juste au coin de Madryn St., la rue où Starr est né). À droite, la pochette de Sentimental Journey, un album de standards que la mère du chanteur appréciait particulièrement.

Trois ans plus tard, la pochette de Compartments du chanteur pop latino Jose Feliciano montre un petit immeuble où, derrière les fenêtres, apparaissaient de petits personnages dessinés.

1973 – Compartments – Jose Feliciano

1973 – Compartments – Jose Feliciano

Par la suite, d’autres groupes reprendront l’idée de la façade d’immeuble en s’inspirant de Led Zeppelin comme les Stranglers en 1987 sur la pochette d’All Day And All Of The Night, ou, en 1990, The Dead Milkmen, un groupe de punk rock américain, sur celle de leur cinquième album intitulé Metaphysical Graffiti.

1987 – All Day And All Of The Night – The Stranglers

1987 – All Day And All Of The Night – The Stranglers

1990 – Metaphysical Graffiti – The Dead Milkmen

1990 – Metaphysical Graffiti – The Dead Milkmen

L’actualité de l’immeuble

 

Dès lors l’immeuble de la pochette demeurera attaché à l’imagerie rock en général et à Led Zeppelin en particulier. En 1981, c’est au tour de Mick Jagger de s’asseoir sur son célèbre perron avant d’y être rejoint par Keith Richards dans le clip de « Waiting On A Friend ».

En 1994, une friperie ouvre par hasard au bas de l’immeuble. Quand la propriétaire Ilana Malka réalise qu’elle a au-dessus d’elle l’immeuble de la pochette, le nom de son magasin s’impose de lui-même : Physical Graffiti, quoi de plus vintage.

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

En 2011, la boutique change d’activité pour vendre du thé en vrac. Là encore, le nom s’impose de lui-même : Physical Graffi-tea…

Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?
Qui habite l'immeuble de Physical Graffiti ?

En 1976, la pochette que Page qualifiait de « rêve du voyeur » est retenue pour le Grammy Award de la meilleure pochette d’album. Mais c’est celle d’Honey d’Ohio Players qui remporte le prix. Ce n’est que 4 ans plus tard que Mike Doug se verra attribuer un Award pour une autre pochette mythique, celle de Breakfast in America de Supertramp.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article