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Autour du rock : chroniques, histoire des pochettes et des chansons

Qui est « Peter The Painter » ?

2019 – WHO – The Who.

2019 – WHO – The Who.

Ce n’est pas la meilleure pochette de Peter Blake. Ce n’est pas non plus la meilleure pochette des Who. Et ce n’est même pas la meilleure pochette de Peter Blake pour les Who. Mais, c’est Peter Blake et ce sont les Who. Profitons de la sortie de WHO pour revenir sur la carrière discographique du père du Pop art britannique.

1er juin 1967 – Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – The Beatles

1er juin 1967 – Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band – The Beatles

Peter Blake est né en 1932 à Dartford, dans le Kent. Après avoir étudié au Royal College of Art, il a commencé à exposer en 1961. L’année d’après, il est déjà considéré comme une figure important du Pop art anglais. Lorsque les Beatles font appel à lui en 1966, Peter Blake possède déjà à son actif des œuvres autour de la musique en général et de musiciens en particulier, notamment les Beach Boys, Bo Didley, Elvis, The Everly Brothers mais aussi les Beatles. Ce qui l’intéresse alors, c’est moins la représentation des groupes que la relation que les rock stars entretiennent avec leur public.

Lorsqu’en 1998, le Sunday Times réalisa un sondage portant sur les « cinquante chefs-d’œuvre du millénaire », la pochette de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band occupa la 16e position, entre la cathédrale de Chartre et Guerre et Paix de Tolstoï. Avec Sgt. Pepper’s, les Beatles marquent un tournant dans la pochette d’Album.

1981– Face Dances – The Who

1981– Face Dances – The Who

Pour Face Dances, le premier album sans Keith Moon, le groupe choisit de confier la conception de la pochette à Peter Blake. Ce dernier fait appel à 15 artistes britanniques et non des moindres qui seront chacun chargés de réaliser le portrait d’un musicien. L’ensemble donne lieu à une pochette mosaïque où chaque musicien se voit donc représenté quatre fois par un artiste différent. Parmi eux, on trouve Bill Jacklin, Tom Phillips, Colin Self de Norwich, Richard Hamilton (qui avait conçu la pochette de l’album blanc des Beatles), Mike Andrews, llen Jones, David Hockney, Clive Barker, RB Kitaj, Howard Hodgkin, Patric Caulfield, Peter Blake lui-même, Joe Tilson, Patric Proctor et David Tindle.

La pochette mosaïque supportant mal la réduction, c’est la thématique de la peinture présente au verso qui servira pour illustrer l’album sur mini-cassette. Peter Blake s’en souviendra 40 ans plus tard pour la pochette de WHO.

Qui est « Peter The Painter » ?Qui est « Peter The Painter » ?
1995 – Stanley Road – Paul Weller

1995 – Stanley Road – Paul Weller

Le collage réalisé par Peter Blake pour Stanley Road montre les différentes étapes de la vie de Paul Weller sur Stanley Road où le musicien a grandi.

2001 – Brand New Boots and Panties : Tribute to Ian Dury – Various Artists

2001 – Brand New Boots and Panties : Tribute to Ian Dury – Various Artists

Ian Dury fut l’élève et l’ami de Peter Blake. Lorsqu’en 1983, le travail du peintre fit l’objet d’une grande rétrospective à la Tate Gallery de Londres, Ian Dury composa une chanson en son honneur : « Peter The Painter ». De son côté, Peter fit souvent le portrait de Ian qui lui préféra pour ses albums le travail des photographes. Mais, lorsque l’année suivant son décès, un album de reprises lui rendit hommage, Peter Blake réalisa pour la pochette un portrait posthume.

2004 – Gettin’ in Over My Head – Brian Wilson

2004 – Gettin’ in Over My Head – Brian Wilson

On raconte que Peter Blake aurait adoré réaliser la pochette de Pet Sound (1966) des Beach boys, ce qui, soit dit en passant, nous aurait évité la pire pochette de tous les temps ! Près de 40 ans plus tard, Brian Wilson lui confie celle de son album Gettin’ in Over My Head.

2006 – Stop the Clocks – Oasis

2006 – Stop the Clocks – Oasis

Lorsqu’en 2006, Peter Blake est appelé par Oasis pour réaliser la pochette de leur Best Of Stop The Clocks, il a en tête la pochette de Definitely Maybe. Pour l’artiste, il s’agira de retrouver le mystère de la mythique pochette.

Mais lorsqu’Oasis fait appel à Peter Blake, le groupe a en tête la célébrissime pochette de Sgt. Pepper’s. Oasis n’a jamais caché son goût immodéré pour le groupe de Liverpool qui apparaît régulièrement sous forme de clin d’œil sur leurs pochettes (cf. la plaque d’immatriculation de la Rolls sur la pochette de Be Here Now, la maison d’enfance de John Lennon sur Live Forever, etc.). Choisir Peter Blake pour réaliser leur pochette n’est donc pas anodin.

L’artiste pop propose son armoire bleue de 1956 dans laquelle il prend soin de supprimer pour des problèmes de copyright le portrait de Marylin Monroe qu’il remplace par celui de Michael Caine dans le rôle de Harry Palmer, l’espion britannique imaginé par Len Deighton.

Qui est « Peter The Painter » ?Qui est « Peter The Painter » ?

Blake se plaît à dire que les objets ont été choisis au hasard. Mais, tout comme pour Sgt. Pepper’s, ils sont autant de souvenirs, de références du quotidien, de cultures différentes dans le temps et dans l’espace, dans les générations et dans chaque individu, ce qui nous définit et nous construit mais aussi des objets inutiles, des objets de la société des loisirs.

On retrouve les icônes de la culture populaire, comme Dorothy du Magicien d’Oz (poupée) ou Elvis Presley (plâtre peint) qui pour des raisons obscures avait été écarté de Sgt. Pepper’s. Les observateurs remarqueront posée sur la table la statuette de Blanche Neige qui a déjà servi pour la pochette de Sgt. Pepper’s. Le clin d’œil aux Beatles, si cher à Oasis, est respecté. Quant aux érudits, ils reconnaîtront, pendue à un cintre, la veste en Jean couverte de badges que le peintre portait sur son autoportrait de 1961.

Qui est « Peter The Painter » ?
2012 – Vintage Blake – Peter Blake

2012 – Vintage Blake – Peter Blake

À quoi pourrait bien ressembler aujourd’hui la pochette de Sgt. Pepper’s ? Le 25 juin 2012, à l’occasion de ses 80 ans, Peter Blake a recréé sa célèbre pochette en choisissant cette fois-ci lui-même tous les personnages. Il déclare alors au Telegraph : « J’ai choisi des personnes que j’admire, des gens formidables, et aussi certains amis qui me sont chers. J’avais une très longue liste des personnes que je voulais faire figurer mais tous ne rentraient pas. Ça montre à quel point la culture britannique est forte. » On notera à quel point, pop, rock ou même punk, la contre-culture a fini, comme les autres arts dits majeurs par recevoir ses lettres de noblesse. L’argent est sans doute un meilleur ciment que l’art pour abolir les classes sociales.

De la première pochette, seul demeure Sir Paul McCartney. Sir Peter Blake occupe bien sûr la place centrale. De nombreux musiciens pour lesquels Peter Blake a créé des pochettes figurent également comme son ami Ian Dury mais aussi Paul Weller, Eric Clapton ou encore Noel Gallager qui s’est dit très flatté de partager l’affiche avec des gens qu’il estime supérieur à lui comme Lady Vivienne Westwood, Sir Mick Jagger ou Paul Weller.

Quand à J.K. Rowling, l’auteur d’Harry Potter, coincée entre Anish Kapoor et J.R.R. Tolkein, elle s’est déclarée ravie de figurer sur le remake d’une pochette qu’elle a passé des heures à regarder quand elle était jeune.

2012 – Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da – Madness

2012 – Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da – Madness

Les artistes enregistrent souvent avec des titres de travail qui peuvent changer à la dernière minute comme ce fut le cas pour Let it Bleed des Stones par exemple. Il n’est alors pas facile pour le graphiste de réaliser une pochette en accord avec le titre. Devant l’incertitude de Madness, Peter Blake a rayé au fur et à mesure les tires retenus puis abandonnés et en a fait une pochette typo. c’est la 20e pochette de l’artiste en 45 ans.

2019 – Who – The Who

2019 – Who – The Who

Pour ce nouvel album des Who, Peter Blake renoue avec le patchwork qu’il avait déjà utilisé en 1981 pour Face Dances. Cette fois-ci, ce ne sont pas les musiciens qui sont mis en avant mais leur discographie.

 

À la fin des années cinquante, le gouvernement britannique mise beaucoup sur l’enseignement artistique pour remettre sur les rails ce que l’on nomme de nos jours les décrocheurs. C’est ainsi que les écoles d’art appliqué vont accueillir des gamins plus ou moins motivés et de tous milieux. Sans le savoir, la politique éducative anglaise est en train de former l’esprit du Swinging London. Tous les grands de cette époque sont passés par ces écoles : Pete Townshend mais aussi John Mayall, Keith Richards, Eric Clapton, Jeff Beck, Ray Davis, Jimmy Page, Charlie Watts, Cat Stevens, Syd Barrett, John Lenon, George Harrison, Eric Burdon, …

Dans toutes ces écoles, on trouve des groupes amateurs. Pour certains, la musique n’est pas seulement un divertissement, elle s’inscrit dans un art de vivre voire s’intègre dans une démarche artistique qu’ils développent avec leurs professeurs. C’est le cas des Who pour lesquels l’engagement mod est un véritable manifeste et dont les concerts sont des performances dont le massacre des instruments fait partie. À cette époque, Townshend est particulièrement impressionné par l’art autodestructif prôné par son professeur Gustav Mertzger.

Pub pour le double album The Kids Are Alright, tiré du film éponyme utilisée par Peter Blake pour la pochette de WHO.

Pub pour le double album The Kids Are Alright, tiré du film éponyme utilisée par Peter Blake pour la pochette de WHO.

C’est à cette époque aussi qu’il rencontre pour la première fois Peter Blake lors d’une exposition à l’Institute of Contemporary Art de Londres. Si Peter Blake n’a pas encore réalisé la pochette de Sgt. Pepper’s (1967) qui le rendra célèbre dans le monde entier, il est déjà connu comme le père du Pop art britannique et le jeune Pete, encore étudiant en art à l’Ealing Art College de Londres, admire déjà énormément son travail.

 

De fait, l’art en général et le Pop art en particulier joueront un rôle majeur dans l’identité visuelle des Who. La pochette réalisée ici par Peter Blake reprend une partie de l’histoire du groupe qu’il mêle à sa propre iconographie pop, les deux s’étant souvent croisées.

 

Ainsi, est évoqué sous la forme d’une carte postale ancienne le quartier londonien de Twickenham où Townshend a vécu brièvement et où les Who ont joué quelques concerts à leurs débuts. On y trouve aussi le drapeau anglais et la cocarde de la Royal Air Force qui sont souvent utilisés et détournés par Peter Blake mais qui évoquent aussi la période mod, de My Generation à The kids are allright. Plus loin, une miniature japonaise de l’iconique scooter Honda Juno présenté sur sa boîte d’origine rappelle Quadrophenia. En haut à gauche, le plat de haricots est tout droit sorti de la pochette pop de The Who Sell Out et, plus loin, un flipper rappelle « Pinball Wizard » de Tommy. Enfin, en bas à droite, on trouve la pochette de Face Dances realisée par Peter Blake pour le support mini-cassette.

Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?
Qui est « Peter The Painter » ?

Ce patchwork s’inscrit complètement dans la démarche de l’artiste (que l’on se souvienne de Stanley Road de Paul Weller) et notamment dans ses œuvres récentes comme sa série Some of the Sources of Pop Art.

Some of the Sources of Pop Art, une série réalisée par Peter Blake en hommage au Pop art.

Some of the Sources of Pop Art, une série réalisée par Peter Blake en hommage au Pop art.

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